vendredi 16 février 2018

L'ignorance de Ferry

Les maths ne servent à rien ! Ce n'est pas moi qui le dis, c'est un ex-ministre de l'Éducation Nationale, agrégé de philosophie, excusez du peu !

Pour lui, les mathématiques servent uniquement de sélection et rien d'autre ! Les sciences ? connais pas ! Le monsieur ne se sert pas des maths donc personne ne s'en sert ! Est-il seulement conscient que sans cette science, sans les équations de Maxwell par exemple, il ne disposerait même pas de la technologie nécessaire pour répandre sa suffisance de philosophe (sic) à travers nos écrans et nos radios ?


On devine que le monsieur a eu des problèmes en maths... il n'est pas le seul ! Ses propos révèlent son amertume, la revanche qu'il souhaite prendre (« les matheux, les vrais, (???) sont des gens qui ne comprennent pas qu'on ne comprenne pas »). Mais quelle ignorance crasse, quelle bêtise, quel mépris ! Je n'en reviens toujours pas. La filière S est la meilleure pour faire médecine ? Et comment, car la médecine est une Science ! Je m'abstiendrai ici de parler des dizaines de milliers d'étudiants en filières scientifiques, écoles d'ingénieurs, classes préparatoires, des chercheurs en maths, en physique fondamentale et expérimentale... - je pense que le monsieur n'est pas préparé à ce genre de révélation.

Les maths, monsieur Ferry, sont le langage de la Science, et ce n'est pas moi qui le dis :

« La philosophie est écrite dans cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l'univers, mais on ne peut le comprendre si l'on ne s'applique d'abord à en comprendre la langue et à connaitre les caractères dans lesquels il est écrit. Il est écrit en langue mathématique, et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels il est humainement impossible d'en comprendre un mot. »
Galileo Galilei, l'Essayeur, 1623

Alors, évidemment, la philosophie naturelle de Galilée, qu'on appelle aujourd'hui Physique, n'est pas non plus votre fort, tout philosophe que vous êtes.

Monsieur Ferry, qui soit dit en passant n'estimez pas utile de prouver l'utilité de votre propre discipline au quotidien, vous êtes un symptôme, celui du manque total de culture scientifique dans les milieux médiatiques et politiques. Quasiment tous les journalistes et politiques sont issus de filières littéraires. Ce n'est pas un défaut de venir d'une filière littéraire, bien sûr, mais c'est un problème quand cela s'accompagne d'une absence totale de culture scientifique, d'une uniformisation au niveau zéro dans ce domaine de tout une profession, tellement visible et puissante.

Bien sûr les scientifiques sont partiellement responsables de cet état de fait, car bien qu'étant parfaitement conscients du problème de cette absence de culture scientifique dans notre pays, ils s'en sont trop longtemps désintéressés. La réforme du bac dont il est question ces jours-ci en comporte malheureusement une conséquence trop concrète, à savoir le bannissement des sciences au profit des matières littéraires dont cette indéboulonnable philosophie (forcément en tronc commun!). On en a de même eu l'illustration l'an dernier avec la pitoyable polémique sur la suppression du latin et du grec (qui, comme chacun sait, sont utiles au quotidien monsieur Ferry!). Touchez à ça et Jean d'Ormesson écrit un pamphlet dans le figaro (bon ok, mauvais exemple). Mais supprimez des pans entiers du programme de maths et de sciences physiques, et il n'y aura pas un mot à ce sujet dans les médias (restés coincés en primaire à en croire les différents reportages)... Le fait que les écoliers français soient lanterne rouge n'émeut plus personne, on se contente de faire le gros dos...

Le monde n'a jamais utilisé et eu besoin autant de sciences, et les sciences utilisent les mathématiques, c'est comme ça monsieur Ferry.  La construction de bâtiments nécessite des études en résistance des matériaux donc des équations aux dérivées partielles, leur chauffage repose sur de la thermodynamique. La mécanique nécessaire à la fabrication du moindre de nos objets du quotidien, de nos véhicules, utilise des calculs et raisonnements mathématiques très poussés, bien au-delà des triangles qui vous ont semble-t-il fait horreur dans votre scolarité. Vous voulez comprendre quelque chose au réchauffement climatique ? vous en aurez besoin ! Vous avez bien un GPS dans votre voiture ? Avez-vous la moindre idée de la façon dont il fonctionne, des corrections relativistes nécessaires sans lesquelles la dérive serait d'une dizaine de mètres par jour ? Savez-vous qu'Eratosthène au IIIème siècle avant JC avait déjà estimé la circonférence de la Terre par la seule puissance du raisonnement mathématique ? Savez-vous seulement que la Terre est ronde ?

Vous n'êtes pas scientifique, grand bien vous fasse, je ne suis pas philosophe, mais par pitié, quand l'envie vous prendra de prouver votre ignorance d'un tel sujet sur un ton professoral devant des millions de téléspectateurs, abstenez-vous.

1 commentaire:

  1. La Science est effectivement le parent pauvre de l'éducation. Le fait est que la Science « vit » de façon séparée de la société en général, soumise à des contraintes existentielles, qui souvent laissent peu de temps pour s'intéresser de soi-même à la culture scientifique, une fois le temps scolaire terminé. L'offre de « divertissements » des médias actuels contribue aussi largement à ce déficit. Il faut de la curiosité pour comprendre le monde, en tout cas pour essayer ! Et cela, c'est d'abord l'école, au sens large qui doit s'en occuper.

    Les mathématiques, dont l'enseignement devrait être remis en cause selon cet ancien ministre de l'Éducation Nationale, sont le langage universel pour codifier nos connaissances sur le monde qui nous entoure, depuis l'infiniment petit – la physique quantique - à l'infiniment grand – la cosmologie - en passant par la compréhension du vivant. Il est très inquiétant que des responsables qui prennent des décisions pour notre futur aient une vision aussi restrictive. Même si la plupart des gens ne deviendront pas des grands savants, l'enseignement scientifique doit contribuer à former les esprits pour devenir autonomes, et entre-autres, résister aux tentations irrationnelles, encore actuellement bien ancrées.

    Vouloir réduire cet enseignement à la portion congrue – la maîtrise des 4 opérations de base- pour l'essentiel des jeunes en formation, sauf pour quelques-uns, c'est participer à former des générations de robots utilisant, sans comprendre quoi que ce soit, des technologies conçues par des élites.

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