dimanche 31 octobre 2004

Sarkozy et la religion

Dans un récent article de l'Express, Nicolas Sarkozy, actuel ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, s'explique de façon assez directe sur son livre intitulé La République, les religions, l'espérance.

Si je ne suis pas un fervent supporter de Sarkozy, loin de là, je trouve ses prises de positions sur la question de l'islam en France finalement assez raisonnables : fermeté pour la question du voile à l'école et sur les cartes d'identité, ouverture et dialogue notamment par le biais de la création du conseil français du culte musulman. Je ne connais pas bien cette question de l'islam en France donc je m'abstiendrai de commenter ces points.

En revanche, je me sens très mal à l'aise, voire trahi lorsque je lis cette interview. En effet, le ministre semble y glorifier l'idée même de religion. Pour lui, il semble aller de soi que chacun a sa religion, lui prêtant même des vertus pacifistes, et que celle-ci est nécessaire pour se construire. Au mieux il ignore ainsi les millions d'athées et d'agnostiques, au pire il les met à l'index. Plus grave, il envisage de confier à l'état le financement du développement des religions (et de l'islam en particulier) en France. Bien qu'il s'en défende, j'y vois là un grand retour en arrière : celui de l'abandon de la loi sur la séparation entre l'église et l'état, même pas encore centenaire. Dans le même ordre d'idée, il est partisan de l'enseignement, à l'école, du ''fait religieux''. ''Fait'' et "religieux'' sont à mon avis deux mots complètement contradictoires, d'ailleurs les religions ne se soucient guère de savoir si ce qu'elles racontent sont des faits ou non...

Voici quelques morceaux choisis de cette interview et ma réaction - toute personnelle cela va sans dire - qui déborde largement du cadre de cet article :

L'homme ne peut pas se définir par rapport au néant. Il ne peut pas être indifférent à la question de savoir d'où il vient et où il va.

C'est un avis personnel du ministre bien sûr, mais présenté comme un fait, une évidence. Je ne suis pas d'accord. J'ai toujours trouvé la rassurante idée que le destin de l'homme était liée à une nécessité cosmique (lire: divine) extrêmement égocentrique. Ainsi, Dieu - puisqu'il faut qu'il existe - aurait pensé tout cela... C'est bien présomptueux.

je place la question spirituelle au cœur de l'existence de l'homme

C'est tout à fait son droit, mais ce n'est pas l'objet de la république que de s'occuper des religions. Je ne me reconnais dans aucune d'elles. Si ce n'est pas l'avis des autres fort bien, ils sont libres, mais je refuse d'être mis à contribution pour ce qui doit finalement rester une affaire privée de croyances. Par ailleurs l'idée me gêne très fortement que l'on enseigne à des enfants ces croyances comme des faits, que ce soit au catéchisme, dans une école confessionnelle ou ailleurs. La religion est affaire de choix, mais de choix éclairé.

La question la plus importante pour l'homme est la question spirituelle: la vie est-elle le fruit du hasard?

On peut ici remarquer que le ministre sous-entend la réponse dans sa propre question. Cela semble le déranger que la réponse pourrait être ''oui''. C'est pourtant mon avis, et celui de millions d'autres personnes. Chaque jour la théorie de l'évolution est confirmée par des découvertes scientifiques indiscutables - elles. Il est maintenant acquis que rien ne s'est produit comme cela a été décrit dans n'importe quel texte dit ''sacré'', et que la vie est la conséquence directe de la formation de notre planète, où le hasard tient une très grande place (d'ailleurs, si un gros caillou n'avait pas percuté la Terre il y a 65 millions d'années, nous serions peut-être des reptiles ! L'image de Dieu en aurait pris un coup...). Rien à ce stade ne permet d'affirmer que la vie est le résultat d'une volonté supérieure, il s'agit d'une simple croyance, rassurante bien sûr, mais une croyance qui va à l'encontre de toutes les découvertes scientifiques depuis Darwin.

Qu'est-ce qu'un homme qui croit? C'est un homme qui espère. Il faut que vous me démontriez que ce n'est pas vrai. La démarche de la foi, c'est une démarche d'espérance face à l'inévitable.

Je me permets une réponse différente : un homme qui croit, c'est un homme qui s'aveugle. A charge pour le ministre de me démontrer que ce n'est pas vrai. Quand on affirme quelque chose, ce n'est pas aux autres de prouver le contraire ! Pour moi, la foi telle qu'on l'enseigne dans toutes les religions, c'est la négation de tout raisonnement scientifique voire logique, de toute raison même. On ignore les découvertes parce qu'elles nous dérangent, quand elles vont à l'encontre de ce qu'on '''croit'', dans le sens le plus pitoyable du terme.

On ne peut pas tout rationaliser et tout expliquer.

Encore une affirmation montrant que le ministre parle finalement de sa propre expérience et la généralise abusivement. Rien ne lui permet d'affirmer cela, tout comme personne ne pourrait affirmer le contraire d'ailleurs. Il se trouve simplement qu'en deux siècles la Science a fait beaucoup plus pour le bien de l'humanité, en rationalisant et en expliquant, justement, que toutes les religions pendant des millénaires. La religion, facteur de paix ? Laissez-moi rire !

Je précise même dans le livre que je suis contre l'évocation de Dieu dans la Constitution européenne. Qu'est-ce que Dieu viendrait faire dans tout cela, en effet?

En effet, mais on remarquera à ce propos que le ministre parle de Dieu comme d'une personne dont l'existence et la nature (une entité consciente) ne font aucun doute. Figure de style ? Pas si sûr...

Au fait, c'est quoi une religion ? On pourrait peut-être demander à Tom Cruise ?

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