Ce titre en Français évoquant l'oeuvre de Charles Baudelaire attire évidemment l'attention. Therion nous a habitué à des choses assez grandiloquentes, spectaculaires.... inattendues aussi ! Et sur ce dernier point on n'est pas déçu !
Alors de quoi s'agit-il cette fois ? Après s'être frotté au death métal au début de sa carrière, avoir opéré un virage symphonique au milieu des années 1990, quelques détours par le classic rock, des éléments tsiganes... nous voici .... en pleine variété française !!
Oui, cet album est intégralement chanté en Français et est constitué de reprises "métallisées" de chansons françaises du 20ème siècle, de Gainsbourg à Marie Laforêt en passant par Sylvie Vartan et un tripotée de chanteuses inconnues. Juge plutôt (mais pas trop vite surtout), cher lecteur :
- Poupée de cire, poupée de son (France Gall/Serge Gainsbourg)
- Une fleur dans le cœur (Victoire Scott)
- Initials B.B. (Serge Gainsbourg)
- Mon amour, mon ami (Marie Laforêt)
- Polichinelle (France Gall)
- La Maritza (Sylvie Vartan)
- Soeur angelique (Léo Marjane)
- Dis-moi poupée (Isabelle)
- Lilith
- En Alabama (Léonie)
- Wahala manitou (Léonie)
- Je n'ai besoin que de tendresse (Claire Dixon)
- La licorne d'or (Victoire Scott)
- J'ai le mal de toi (Claire Dixon)
- Les sucettes (Serge Gainsbourg)
Pourquoi en effet un tel risque ? Christofer Johnsson s'est-il rendu compte que son album allait être immédiatement rejeté par la majorité de son public (et en particulier la frange française des fans) ? A-t-il pris la mesure de la défiance, voire de l'hostilité et le mépris qui règne entre le métal et toute forme de musique traditionnelle populaire ? Lui a-t-on expliqué le sens caché de la chanson "Les sucettes" ? Mais qu'est-ce qu'il a fumé ?
Je suis pour ma part certain qu'un musicien tel que l'était Gainsbourg se serait réjoui qu'on jette ainsi un pont (enfin, cela aurait dépendu de son taux d'alcoolémie du moment je suppose), mais là la pillule est grosse à avaler pour le métalleux de base, certains ayant encore du mal avec les éléments classiques qui parsèment couramment les compositions récentes.
Les commentaires moqueurs et méprisants ne se sont évidemment pas faits attendre sur le net, les réflexions telles que "et pourquoi pas Sheila ou Sardou ?" ayant immédiatement fusé chez les francophones.
Justement. Je crois que c'est exactement ce que cherchait à faire Christofer Johnsson : provoquer, surprendre, mettre en lumière les attitudes sectaires de part et d'autre, et sans doute rendre hommage à une part méconnue de ses attirances musicales.
Comme l'a justement souligné le dernier commentateur (malheureusement anonyme) de ce (remarquable) blog, il fallait une sacrée paire de cojones pour oser un truc pareil. Sur fonds propres qui plus est, Nuclear Blast ayant refusé de produire cet album. Christofer dit avoir été "officiellement déclaré dérangé dans la tête", et il faut bien avouer qu'on n'est pas loin de penser la même chose.
Sans même rentrer dans le détail de l'album, je peux prédire que le rejet de la part du public français sera quasi-général. Pour les non francophones je pense que ce sera dur aussi.
Alors, c'est bien joli toutes ces considérations, mais qu'est-ce que ça donne sur le plan strictement musical ?
Tout d'abord un énorme coup de chapeau aux chanteurs et chanteuses : Lori Lewis (une voix toujours aussi sublime), Thomas Vikström (dont le français est de loin meilleur que mon suédois) et Snowy Shaw - toujours aussi bizarre, il faut bien des points de repère.
Ça commence donc par "poupée de cire, poupée de son". Sur une rythmique introductive typique de Therion, Lori Lewis enchaîne les couplets qui ont rendu célèbre France Gall sur cette composition de Gainsbourg. Le chant est très aigu et rien que ça force le respect. Les passages classiques sont respectés. Le tout donne vraiment une impression étrange, une sorte de monstre sonore qui choque au début, mais dont il faut reconnaître qu'il finit par rester en tête.
"Une fleur dans le coeur" est une reprise de Victoire Scott, que je ne connaissais pas du tout (pas plus que la Victoire en question d'ailleurs). Cette chanson débute sur un mode calme et mélancolique et va crescendo jusqu'à un final nettement plus agressif. C'est bête mais j'aime bien.
"Initials B.B."... À nouveau un titre de Gainsbourg écrit pour une certaine Brigitte Bardot (qui depuis a très mal tourné). C'est à mon avis LA chanson de l'album. Un chant sensuel assez proche de l'original, une rythmique assez vive qui respecte la mélodie originale avec ses orchestrations, un refrain à la Snowy très "gothique". Le tout donne un titre qui véritablement déchire, sans doute même plus que l'original. Pour le coup, si la démarche de Christoffer Johnsson réussit bien quelque part, c'est sur ce titre !
"Mon amour, mon ami"... Marie Laforêt !!?! Un titre lent, à l'atmosphère alourdie par une guitare pesante. Thomas Vikström et Snowy assurent une partie du chant là aussi très lourd, tout en contraste avec la partie chantée par Lori Lewis.
"Polichinelle", reprise de France Gall. Si la mélodie est sympathique, on a ici le prototype de l'adaptation ratée. Les paroles en forme de dialogue entre Lori Lewis haut perchée et Thomas en "prince charmant" ne sonnent vraiment pas juste dans cette adaptation. On zappe.
"La Maritza", reprise de Sylvie Vartan... eh oui... Une mélodie inoubliable débute le morceau, notamment au clavecin, et Lori entonne ce titre des années 60 d'une voix cristalline. Ça ne sonne pas du tout comme du Therion... et pourtant l'adaptation est très bonne !
"Soeur Angélique" : un titre kitsch (oui je sais, l'album dans sa globalité est kitsch). Là j'ai vraiment du mal, avec ce refrain mièvre au possible et ces orchestrations pauvres.
"Dis-moi poupée" ? ... Isabelle ?.... connais pas ! En tout cas, la version chantée par Snowy s'éloigne probablement de l'original ! Avec sa voix exagérément grave, il donne une dimension inquiétante à une chanson dont les paroles sont là encore très mièvres. Sur ce coup je trouve que ça rehausse la chanson, même si c'est encore une fois un "monstre".
"Lilith" est une courte chanson faisant référence à un mythe connexe à la religion chrétienne (Lilith serait la femme que Dieu destinait à Adam mais elle aurait refusé de se soumettre à une domination masculine - je schématise :) ). Pas mal à mon sens, mais ça manque un peu beaucoup de relief.
"En Alabama" : un peu plus "épicé" que le titre précédent (ce n'est pas non plus Ginnungagap), un nouveau monstre issu du délire Therionnesque. J'aime bien de part certains riffs de guitare même si ce n'est pas ce qui saute immédiatement à l'oreille.
"Wahala manitou" : un titre aux accents folkloriques... mignon, mais vraiment sans plus. Les paroles ressemblent un peu à une comptine. Mention spéciale toutefois au final à la guitare assez réussi.
"Je n'ai besoin que de tendresse" : reprise vraiment hard rock d'un titre de Claire Dixon... Mais quelle horreur !! AAAAaaaargh ! C'est strident, ridicule et insupportable. On zappe. Vite.
"La licone d'or" : un titre mignon tout au plus. Oubliable très certainement, désolé.
"J'ai le mal de toi" : oh lala.... pardon je zappe.
"Poupée de cire, poupée de son" : une reprise de la reprise, dans une version légèrement différente. À ce stade on fatigue un peu je dois dire...
"Les sucettes" : là on se dit non. Vraiment fallait pas. Non non, j'insiste.
En conclusion, un album intéressant. Choquant quelque part. Original en tout cas. Ne jugez pas trop vite, et ne gardez pas tout ! En enlevant quelques titres, on obtient quelque chose de tout à fait écoutable, pas révolutionnaire pour deux sous sur le plan musical. Un sacré délire dont on se dit "il fallait oser, Therion l'a fait".
Therion y a sans doute perdu un peu de sa superbe, le côté spectaculaire y a quasiment disparu et ça c'est inquiétant. Mais ce groupe n'est pas le genre à se reposer sur ses lauriers à mon sens, et finalement, pour incroyable qu'il est, ce disque n'est pas si étonnant quand on connaît le bonhomme ...
En tout cas, le rapport avec Baudelaire restera mystérieux pour moi...
Pour terminer voici la meilleure chanson de l'album : Initials BB. Bonne nuit, cher lecteur !
Perso, j'ai adoré cet album!! Je m' suis éclaté à l'écoute!
RépondreSupprimerEt si ça plaît pas aux français, c'est bien pcq pour une fois ils comprennent les paroles ( houuu je suis vilaine!) certes elles sont pour la plupart du temps nazes, mais bon parfois quand on écoute certaines paroles de groupes de métal en anglais... bha on pleure hein!!
Et peut-être que Therion en a marre de son public de métalleux "de base" et a voulu faire un tri sélectif .. après tout, ils n'ont plus rien à prouver....
Fan de Therion depuis le début (du death jusqu'au metal symphonique), je trouve effectivement l'album surprenant et intéressant.
RépondreSupprimerEt puis, pour une fois, on peut dire cocorico!!!
Cela dit en l'auto-produisant, Christofer a calcué qu'une vente auto-produite était équivalente à 10 CD nuclear Blast (sa maison de disque).
J'ai acheté l'album lors du concert à Lyon (qui a durée plus de deux heures!!!) et c'est Christofer himself qui était au stand de merchandising pour le vendre dédicacé et avec un poster. Quel artiste ferait ça pour ses fans?
Et bien j'ai trouvé cet album très très sympa musicalement...
RépondreSupprimerLe seul bémol, ce sont les textes... mais à la limite, on devrait s'en foutre. Les textes dans les chansons anglaises sont le plus souvent dispensables.
D'ailleurs, la meilleure preuve est que les non-francophones semblent davantage apprécier: sur Amazon.com ou Amazon.de, les critiques sont bien meilleures que sur Amazon.fr.
Et au fait :
- "Mon amour, mon ami" n'est pas lourd... LE SON est lourd... et le titre est puissant.
- "Une fleur dans le cœur" est pas mal et le finish est tout bonnement épique...
- La deuxième version de "Poupée de cire, poupée de son" est énorme.
D'accord en revanche pour "Les sucettes" et "Je n'ai besoin que de tendresse" ... ça fait mal aux oreilles.
Album excellent, point barre.
RépondreSupprimerEt à lire, l'interview sur Metallian (je sais plus lequel, m'enfin c'est quand l'album a été annoncé, ça devrait pas être compliqué à retrouver), ou Christofer explique à peu près tout (pourquoi ce titre d'album, par exemple).
J'ai juste envie de dire, quand on fait un article sur quelque chose, avant on se renseigne un maximum, sinon on n'est pas très crédible... (ceci est dit sans grande méchanceté. :) )
Avis à monsieur "Black Metal point barre"...
RépondreSupprimerje donne mon avis et rien d'autre dans cet article. Ton avis, pour aussi respectable qu'il soit, ne l'est pas plus que le mien, et certainement pas plus crédible. Ça devrait être évident mais je préfère le redire, il n'y a que des avis subjectifs en la matière. Surtout pour un album aussi sujet à la controverse. Mais c'est si facile de croire que tout est définitif (point barre)...
D'ailleurs, si tu lis correctement l'article, tu verras que la date est le 6 octobre, juste après la sortie. On est 4 mois plus tard. Et je ne descends pas l'album en flammes comme tu as l'air de l'insinuer, j'ai essayer de séparer au maximum le point de vue "provocateur" du coté strictement musical. Mais ça t'a peut-être échappé (j'ai juste envie de dire...).
Quant à se renseigner un maximum... moi aussi je lis les magazines (pas Metallian - je n'ai pas toujours une loupe sur moi - ça ne rend pas mon avis moins crédible pour autant) et les sites. Je suis au courant même Christofer Johnson a publié un lien vers ce modeste blog sur son site, et je considère ça comme un honneur.
Il est où ton site ?
Bonjour, quelqu'un sait il qui est la chanteuse dans Initials BB, celle du clip n'est pas Lori Lewis et en studio non plus, à l'écouter c'est forcément une francophone aucun accent et les intonations sont trop frenchies pour une étrangère.
RépondreSupprimerMerci de vos lumières.
Yan
L'info n'est pas facile à trouver en effet, même si cela avait été indiqué dans une critique assassine publiée dans Rock Hard. Si j'en crois ce site http://www.auxportesdumetal.com/reviews/Therion/therion-lesfleursdumal.html il s'agirait de Johanna Naila, danseuse officielle d'Orphaned Land (un excellent groupe que je recommande, au passage).
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